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accéder au contenu au-dessus d'un million de toits roses, sabine aussenac pour dire le monde…par sabine aussenac, professeur agrégée d'allemand et écrivain. menu bio collaborations accueil n’est pas membre de « riposte laïque », ce site utilise frauduleusement l’un de mes textes sur le vivre-ensemble et les femmes ! dire le monde depuis la ville rose! contact bon anniversaire, anne frank ! « je réalise à l’instant que le courage et la joie sont deux facteurs vitaux.» / https://www.annefrank.org/en/anne-frank/who-was-anne-frank/qui-etait-anne-frank/ tu as été mon premier livre « d’adulte »… je devais avoir moins de 10 ans, mais déjà un accès illimité à l’immense bibliothèque parentale, dans le bureau de mon père, celle des livres de poche… est-ce la photo qui m’attira, avec ce quadrillage de cahier d’écolière ? dès les premières minutes de lecture, je ne t’ai plus quittée… aujourd’hui, petite anne, tu aurais eu 90 ans, en ce 12 juin 2019. tu serais sans aucun doute devenue une vieille dame malicieuse et délicieuse, résiliente et engagée. je ne pouvais que te rendre hommage, et t’associer à mon projet de roman autour de rose ausländer, elle aussi victime de la shoah. « les gens libres ne pourraient jamais concevoir ce que les livres représentent pour les gens cachés. des livres, encore des livres, et la radio – c’est toute notre distraction. » car tu as bien été, anne, ma marraine en écriture. certes, depuis ma toute première lecture seule de « suzy sur la glace » et cette rédaction où, vers 7 ans, je déclarai déjà vouloir écrire comme andersen dont j’adorais les contes, je savais que les mots guideraient mes chemins. mais en découvrant ta plume alerte et profonde, sombre et lumineuse, ta plume d’enfant et d’adolescente rêveuse et rebelle, je compris que je pourrais, moi non plus, jamais me taire face aux bouleversements du monde et aux injustices de la vie. ton journal, anne, m’a donc ouverte à la fois à l’écriture et à la césure de la shoah. et lorsque, quelques années plus tard, mon grand-père allemand, qui avait fait, dans la wehrmacht, la campagne de russie, m’a tendu « exodus », le livre de leon uris, en allemand, que j’ai là aussi dévoré d’un trait, à 13 ans, j’ai su que ma vie durant je porterais cet héritage, semelles de plomb lestant la légèreté de mon bilinguisme et de ma double culture franco-allemande dont je suis si fière… l’autre côté de moi l’autre côté de moi sur la rive rhénane. mes étés ont aussi des couleurs de houblon. immensité d’un ciel changeant, exotique rhubarbe. mon allemagne, le brunnen du grand parc, pain noir du bonheur. plus tard, les charniers. il me tend « exodus » et mille étoiles jaunes. l’homme de ma vie fait de moi la diseuse. lettres du front de l’est de mon grand-père, et l’odeur de gazon coupé. mon allemagne, entre chevreuils et cendres. la rencontre, toute vie est rencontre, et te rencontrer, anne, a donné sens et impulsion à ma vie. longtemps, d’ailleurs, tu as été « ma seule amie »… un peu différente, très solitaire, plus âgée que mes frères et sœur et engoncée dans un corps trop lourd, j’étais aussi souvent la risée de mes camarades, car vêtue parfois de tenues traditionnelles allemandes ou encombrée d’un goûter au pain noir, bien étrange collation face aux viennoiseries françaises… combien de fois m’a-t-on, dans la cour de joyeuse de ma chère école publique colonel teyssier, à albi, donné du « hitler » et du « bouboule », les deux insultes se confondant en un harcèlement quotidien et lassant… mais qu’étaient ces moqueries face à ce que tu avais, toi, anne, vécu, cachée dans cette annexe de longues années durant, livrée à tes peurs, à la faim, à la solitude ? « a partir de mai 1940, c’en était fini du bon temps, d’abord la guerre, la capitulation, l’entrée des allemands, et nos misères, à nous les juifs, ont commencé. les lois antijuives se sont succédé sans interruption et notre liberté de mouvement fut de plus en plus restreinte. les juifs doivent porter l’étoile jaune ; les juifs doivent rendre leurs vélos, les juifs n’ont pas le droit de prendre le tram ; les juifs n’ont pas le droit de circuler en autobus, ni même dans une voiture particulière ; les juifs ne peuvent faire leurs courses que de trois heures à cinq heures, les juifs ne peuvent aller que chez un coiffeur juif ; les juifs n’ont pas le droit de sortir dans la rue de huit heures du soir à six heures du matin ; les juifs n’ont pas le droit de fréquenter les théâtres, les cinémas et autres lieux de divertissement ; les juifs n’ont pas le droit d’aller à la piscine, ou de jouer au tennis, au hockey ou à d’autres sports ; les juifs n’ont pas le droit de faire de l’aviron ; les juifs ne peuvent pratiquer aucune sorte de sport en public. les juifs n’ont plus le droit de se tenir dans un jardin chez eux ou chez des amis après huit heures du soir ; les juifs n’ont pas le droit d’entrer chez des chrétiens ; les juifs doivent fréquenter des écoles juives, et ainsi de suite, voilà comment nous vivotions et il nous était interdit de faire ceci ou de faire cela. » et encore, là, anne, tu parlais du passé, lorsque tu n’étais pas encore recluse dans l’annexe… j’avais presque honte de mes propres souffrances, et j’ai très tôt commencé, moi aussi, un journal, qui t’était adressé… et, surtout, je t’ai lue, relue, en tous sens, laissant ton cahier ouvert sur ma table de chevet, sur mon bureau… tu m’as accompagnée, ma vie durant. « j’ai envie d’écrire et bien plus encore de dire vraiment ce que j’ai sur le cœur une bonne fois pour toutes à propos d’un tas de choses. le papier a plus de patience que les gens. » tu m’a appris le courage. celui de faire face à l’innommable, à la barbarie, de ne jamais céder aux pressions, de toujours savoir dire non. tu t’es, très jeune, battue contre une mère que tu pensais non aimante, puis contre les règles terrifiantes qui régnaient dans le microcosme de votre cachette. j’ai tenté, moi aussi, de m’élever contre les tyrannies, familiales parfois, professionnelles souvent, sociétales toujours, et d’apprendre à mes enfants et à mes élèves ce devoir d’insolence. « je ne veux pas, comme la plupart des gens, avoir vécu pour rien. je veux être utile ou agréable aux gens qui vivent autour de moi et qui ne me connaissent pourtant pas, je veux continuer à vivre, même après ma mort ! et c’est pourquoi je suis si reconnaissante à dieu de m’avoir donné à la naissance une possibilité de me développer et d’écrire, et donc d’exprimer tout ce qu’il y a en moi ! en écrivant je peux tout consigner, mes pensées, mes idéaux et les fruits de mon imagination. » tu m’a offert l’obstination. celle qui t’a permis de résister à ces années de plomb, qui t’a donné cette force incroyable de ne pas plier devant l’adversité, lorsque tu savais lever les yeux pour apercevoir un pan de ciel bleu au milieu de ces noirceurs. c’est à toi que j’ai pensé lors des interminables années de mon divorce et de mon enfer social, ou en repassant un grand nombre de fois l’agrégation. tu n’aurais pas, toi non plus, baissé les bras. « une fois, je descendis toute seule pour regarder par la fenêtre du bureau privé et celle de la cuisine. beaucoup de gens trouvent la nature belle, beaucoup passent parfois la nuit à la belle étoile, ceux des prisons et des hôpitaux attendent le jour où ils pourront à nouveau jouir du grand air mais il y en a peu qui soient comme nous cloîtrés et isolés avec leur nostalgie de ce qui est accessible aux pauvres comme aux riches. regarder le ciel, les nuages, la lune et les étoiles m’apaise et me rend l’espoir, ce n’est vraiment pas de l’imagination. c’est un remède bien meilleur que la valériane et le bromure. la nature me rend humble, et me prépare à supporter tous les coups avec courage. » tu m’as légué l’espérance. cette faculté si précieuse de ne pas se laisser démonter par les coups du sort, cette capacité que tu avais de penser que la guerre se terminerait et que tu redeviendrais un jour la jeune fille insouciante qui pensait aux garçons et au